Cet article paraîtra certainement incongru à la plupart des gens, puisque nos dirigeants aussi bien politiques, économiques et financiers ainsi que les économistes régulièrement invités sur les plateaux de télévision (toujours les mêmes, bizarre non ?) sont unanimes pour nous dire que la crise est terminée et que la reprise de la croissance est imminente.
Je m'appuie toutefois sur certains fondamentaux objectifs : le fait que les causes de la crise actuelle n'ont en rien été résolues (bulle du crédit, crise de l'immobilier US, absence totale de toute conscience du risque chez nos amis banquiers), et le fait que le chômage poursuit actuellement sa progression sans aucun signe d'amélioration à l'horizon sur ce plan.
A ce jour, il n'y a donc aucune raison d'espérer être sortis de la crise bien que des répits temporaires puissent survenir ponctuellement suite à tel ou tel stimulus économique (comme la récente prime à la casse en France).
La situation aura peut-être changé radicalement dans six mois ou un an du point de vue des causes fondamentales de la crise, aussi les conseils suivants ne concernent que la situation actuelle et concernent des mesures à prendre immédiatement si l'on estime que sa situation personnelle est vulnérable.
Bien sûr, en temps de crise, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne et vous-même estimez peut-être être relativement moins vulnérable parce que vous bénéficiez d'un emploi protégé, êtes fonctionnaire, ou bien l'héritier d'une grande famille capitaliste. Dans ce cas, vous pouvez peut-être vous dispenser de lire ce qui suit.
Que la crise prenne finalement la forme d'une récession, d'une dépression ou même d'une grande dépression, personne ne peut aujourd'hui en prévoir les conséquences précises (déflation ou inflation par exemple). La seule certitude est la montée inévitable du chômage, et le danger pour chacun lorsqu'il est exposé à ce risque.
Les conseils suivants ne visent pas à vous aider à spéculer en temps de crise, mais uniquement à vous permettre de préserver le mieux possible votre patrimoine et à vous protéger d'aléas personnels tels que le chômage ou une baisse de revenus.
- Les crédits
En temps de crise, plus qu'à aucun autre moment, il est dangereux de s'endetter ou de rester endetté.
Consacrez si vous le pouvez une partie de votre épargne (mais pas la totalité) ou de vos revenus à des remboursements anticipés de certains de vos crédits.
Il est à noter également qu'à ce moment où l'épargne est aussi mal rémunérée qu'aujourd'hui, rembourser ses dettes apparaît finalement comme un très bon placement. Si par exemple, vous avez un crédit immobilier en cours à 5% et un livret A rémunéré à seulement 1,25%, vous auriez tort d'hésiter si vous disposez des liquidités nécessaires.
La logique mathématique voudrait que vous commenciez par les crédits aux taux les plus élevés. Malheureusement, cette logique est souvent peu efficace car décourageante lorsque ces crédits sont justement ceux sur lesquels il vous reste le plus de capital à rembourser.
Une autre approche peut parfois fonctionner plus facilement : la technique de la boule de neige. Il s'agit de commencer par rembourser en premier votre dette la moins importante, pour ensuite affecter la mensualité ainsi économisée au remboursement du crédit suivant, et ainsi de suite. Cette méthode fonctionne souvent mieux pour des raisons psychologiques (les résultats paraissent plus rapides), mais elle a aussi l'avantage de vous aider à vous libérer rapidement d'une première dette ce qui pourra être un atout essentiel en cas de coup dur comme une période de chômage ou une baisse de revenu.
Dans tous les cas, la priorité est de vous débarrasser de tout crédit à taux variable, par remboursement anticipé ou bien par renégociation du contrat pour le transformer en taux fixe.
- les assurances-vie
Produit phare des banques et assureurs en ce moment, ces derniers savent en effet que la fiscalité confiscatoire de ce produit durant les 8 premières années vous dissuadera en général de procéder à des retraits anticipés.
Au vu des risques toujours élevés de rechute des marchés actions, ou pire de krach obligataire, ce n'est assurement pas le moment aujourd'hui d'ouvrir une assurance-vie, sinon pour "prendre date" en ouvrant celle-ci avec le strict minimum (certaines AV peuvent être ouvertes avec un dépôt de 200 euros seulement, il me semble) et en ne l'alimentant pas tant que la crise ne sera pas passée.
Si vous disposez déjà d'une assurance-vie, deux cas de figure en fonction de sa date d'ouverture.
Si votre assurance-vie a moins de 8 ans, malheureusement la plupart du temps vous ne pouvez rien faire, à part cesser de l'alimenter.
Si votre assurance-vie a plus de 8 ans, videz là presque complètement. Ne laissez que le minimum permettant de la maintenir ouverte.
En période de crise, mieux vaut privilégier les placements réellement liquides, comme les livrets (défiscalisés si possible), les espèces et bien sûr l'or.
- l'immobilier
Je sais bien que les agents immobiliers nous présentent en ce moment le léger rebond de l'automne dernier comme un signe de possible retournement de tendance, mais je ne vois pas en ce moment de raison objective avec le développement d'un chômage de masse pour que le marché immobilier redevienne haussier.
Ce n'est donc toujours pas le bon moment pour des investissements spéculatifs sur l'immobilier. Et de toute façon, je vous ai prévenus que mes conseils visaient à protéger votre patrimoine, pas à vous aider à spéculer.
Le cas de l'acquisition d'une résidence principale est à part. En temps de crise, cela ne peut pas faire de mal d'avoir au moins un toit assuré au dessus de la tête et en même temps un bien tangible qui même s'il peut perdre de la valeur vaudra au moins toujours quelque chose contrairement à de la monnaie de papier.
Maintenant reste à voir si vous avez les moyens de cette acquisition... Un crédit sur plus de 20 ans est un risque trop grand et représente un coût trop élevé pour la majorité des ménages. Refusez également toute offre de crédit à taux variable. Enfin, si la mensualité nécessaire représente plus de 25% de vos revenus, renoncez à cet achat et restez plutôt locataire.
N'accordez aucune importance à ceux qui vous diront "louer c'est jeter de l'argent par les fenêtres". En période de marché baissier pour l'immobilier comme actuellement, louer c'est gagner de l'argent.
- les produits de défiscalisation
A éviter absolument.
On ne devrait jamais décider d'un investissement en fonction d'un avantage fiscal.
Surtout dans la période actuelle, il apparaît de plus en plus clairement que la crise se terminera par une cure d'austérité et un tour de vis fiscal. Les niches fiscales ne perdureront pas, et vous risquez de vous retrouver à ce moment là avec un investissement illiquide sur les bras.
- les actions
Comme pour l'immobilier, la tendance reste baissière à moyen terme. Je recommande donc la prudence. Certaines entreprises et secteurs tireront peut-être leur épingle du jeu durant la crise, mais il est encore très difficile de savoir lesquels. Même les mines d'or représentent un investissement assez risque pour le moment.
Si vous n'avez pas encore de compte-titres, n'en ouvrez pas.
Si vous détenez déjà des actions, essayez de limiter votre exposition à une nouvelle chute des marchés en liquidant une partie de votre portefeuille tout en restant raisonnablement diversifié.
Elaguez en particulier vos actions liées au secteur financier (banques, assurances, immobilier), les entreprises trop dépendantes du cours des matières premières (automobile par exemple), ainsi que les entreprises côtées en dollars. Envisagez aussi l'acquisition de trackers bears comme le B40 ou le BX4 indexés de façon inverse aux indices qui protègeront votre portefeuille en cas de chute brutale des marchés.
- les obligations d'Etat
A éviter absolument.
Que ce soit sous forme de sicav ou d'assurance-vie, les obligations représentent un risque encore plus élevé que les actions si la crise débouche sur un krach obligataire. L'endettement actuel des Etats (par transfert des dettes des banques) rend aujourd'hui ce risque de plus en plus concret.
Un krach obligataire pourrait avoir pour conséquence la faillite de compagnies d'assurance, essentiellement investies sur ce type de produits. Investir toutes ses économies sur une assurance-vie, même monosupport en euros, est donc une très mauvaise idée car l'on court le risque de tout perdre.
- les espèces
Hé oui je sais bien que c'est démodé à l'époque de l'argent plastique ou électronique de continuer à stocker de l'argent sous la forme d'espèces... Mais c'est pourtant nécessaire, et même indispensable en période de crise.
Il y a deux ans, affolées par la possibilité d'un bank run, les banques françaises ont exigé à ce moment là que le gouvernement prenne des mesures autoritaires pour empêcher en pratique ou limiter les retraits massifs (mesures toujours non effectives à l'heure ou j'écris ces lignes mais le lobbying continue...)
Le risque était réel, et il l'est toujours. Le ratio de (in)solvabilité des banques dans notre pays est tel qu'il suffirait d'une panique très limitée d'une partie des déposants pour que le système bancaire s'effondre. Si seulement 3% des déposants venaient chercher leur argent le même jour, la banque ferait faillite immédiatement.
Disposer d'argent réellement liquide est une sécurité contre plusieurs types de risques : faillites de banques, décrets gouvernementaux qui limiteraient la possibilité de retraits en espèces, manque de coopération des banquiers qui nous imposent déjà des délais pour les retraits de plus de 2000 euros, ou même des risques plus ordinaires tels que perdre ou casser sa carte de crédit et être obligé d'en attendre une nouvelle.
J'ajoute que le fait de proposer à certains commerçants de les payer en liquide les rend parfois plus conciliants lorsqu'on cherche à obtenir un rabais sur un gros achat. Et cela aussi ça peut toujours rendre service en période de crise...
Je conseille donc de toujours conserver quelques semaines de dépenses courantes en espèces bien cachées chez soi, et si l'on en a les moyens quelques mois de dépenses courantes dans un coffre à la banque.
- l'or
De même que la possession d'espèces, l'or est une protection indispensable. La principale différence est que l'or protège en plus de l'inflation et des éventuelles dévaluations qui pourraient survenir à l'issue de cette crise.
Depuis l'empire romain, à toutes les époques, la même quantité d'or a toujours eu à peu près le même pouvoir d'achat.
L'or ne vous rendra peut-être pas riche, mais empêchera en tous cas que vous deveniez pauvre.
Pour votre sécurité financière, il faut donc que vous possédiez de l'or. De l'or mais pas n'importe lequel...
Enterré dans votre jardin ou stocké dans un coffre à la banque, l'or physique est assuremment plus sûr que toute forme d'or papier.
Le risque du papier est de pouvoir ne plus rien valoir du jour au lendemain selon le bon vouloir de l'emetteur ou en cas de faillite de celui-ci. Et les exemples de manipulation sur des marchés à terme comme le COMEX sont suffisamment nombreux pour que cette perspective ne soit pas du tout hypothétique.
De l'or physique donc, et pour la moitié au moins sous forme de Napoléons.
Si vous possédez des pièces rares de collection ou des bijoux en or que vous ne portez plus, revendez-les dès maintenant pour acheter leur équivalent en Napoléons.
Les lingots d'un kilo sont intéressants également, mais déjà chers et non fractionnables. Si la crise devait s'aggraver, leur prix pourrait atteindre des sommets tels qu'ils deviennent beaucoup moins facilement négociables qu'aujourd'hui. C'est pourquoi je préconise en priorité l'achat de pièces communes comme le Napoléon.