Thaïlande, actualités et géopolitique
Posté: Lun 10 Mar 2014 15:02
J'ouvre ce topic pour commencer à centraliser des infos sur ce pays pivot de l'impérialisme américain en Asie et sur les enjeux du conflit social et politique en cours.
Si l'on réalise ces dernières semaines à quel point l'Ukraine fait partie de "l'espace vital" de la Russie, il en est exactement de même de la Thaïlande pour les USA qui a installé depuis longtemps dans ce pays un régime complètement inféodé à Wall Street, encore plus même que ne l'est le caniche japonais.
Il y a déjà quelques discussions à propos de ce pays dans "Actualités de la crise" qui montrent que je n'ai pas une vision manichéenne du conflit en cours (même si j'ai des préférences assumées pour un camp). Mais un topic dédié me semble finalement préférable.
Je commence par mentionner un article du Monde intitulé "Thaïlande : chez les «chemises rouges»".
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/ar ... _3216.html
C'est amusant que les "chemises rouges" attirent autant l'intérêt des médias et fondations occidentales (comme la National Endowment for Democracy) en ce moment, alors que quand les "chemises jaunes" invitent des délégations étrangères seules la Suisse et la Russie daignent se déplacer...
Si j'avais lu cet article sans rien connaître de la situation sur place, je serais certainement devenu sympathisant de la cause des "rouges", et il est évident que le but du Monde est de propager ce sentiment parmi ses lecteurs.
Tout y est pour apitoyer le lecteur sur ces malheureux "buffles rouges" de l'Isan en butte à la haine d'affreux "promonarchistes invétérés". Tout lecteur républicain et démocrate ne peut que sympathiser face à une telle présentation.
Mieux encore, le lecteur "de gauche" finira par croire que les "rouges" représentent le peuple, et les "jaunes" l'élite (le hasard des couleurs aidant d'ailleurs à cela). Même Michel Collon s'y laisse prendre si j'en crois une remarque tirée de sa dernière vidéo sur l'Ukraine.
Or, il n'y a pas de gauche politique en Thailande, ça n'existe pas. Tous les partis qui s'affrontent en ce moment sont des partis de droite.
Le seul parti vaguement socialiste est lui aussi un parti de droite, antidémocratique (mais pas fasciste ni nazi comme le déclare sans arrêt la presse occidentale) et situé dans le camp des "chemises jaunes".
Il reste par contre une gauche sociale en Thailande, associative et syndicale, or celle-ci est divisée et se répartit parmi les supporters des deux camps.
A lire le Monde on finirait même par trouver des excuses au capitaliste Thaksin et à sa soeur Yingluck, sortes de héros du peuple et champions de la redistribution des richesses....
Je vais expliquer que ceci est un mensonge.
Dans les années 90, Thaksin est, parmi notamment Georges Bush et John Major, l'un des conseillers du groupe Carlyle spécialisé dans les obligations. A partir de ce moment il va assurer ses contacts internationaux qu'une fois en poste il sera toujours un trait d'union entre le fond obligataire US et les entreprises thaï.
Le conflit d'intérêt originel date de cette époque.
Thaksin sera premier Ministre de 2001 à 2006, mais il gouverne toujours la Thailande par l'intermédiaire de sa soeur (1er Ministre interimaire).
En 2001 il privatise toutes les ressources et infrastructures du pays (pétrole, gaz...) au plus grand plaisir de Wall Street.
En 2003 il entraine la Thailande aux cotés des USA dans la guerre contre l'Irak, malgré une forte opposition de la population, et même de l'armée.
A la même date, il autorise la création de centres d'interrogatoire et de torture de la CIA en Thailande au nom de la "lutte contre le terrorisme".
Toujours en 2003, il lance une politique de soit-disant "guerre contre la drogue". Près de 3000 personnes seront abattues sans jugement en pleine rue en seulement 3 mois. Il s'avèrera que la plupart des victimes n'avaient aucun lien avec un quelconque trafic de drogue.
En 2004, Thaksin tente d'imposer un accord de libre-échange avec les USA sans l'accord du Parlement.
Selon Amnesty International, 18 défenseurs des droits de l'homme, journalistes, avocats ont disparu ou été assassinés sous le gouvernement Thaksin.
Depuis le coup de 2006 qui a mis fin à son régime, Thaksin se fait représenter par le biais de l'élite financière US et ses différents lobbys : CFR, PNAC, Carlyle Group, Freedom House, NED, International Crisis Group...
En avril 2010, il fera assassiner un Colonel de l'armée thaï contre lequel il menait depuis l'étranger une campagne de presse via un journal financé par la National Endowment for Democracy.
Et encore, je ne parle même pas des évènements les plus récents sous le règne de sa soeur.
Nombreuses disparitions et meurtres d'opposants.
Terrorisme de l'UDD, financé depuis les USA.
Attentats homophobes par les mêmes contre une manifestation de sensibilisation au problème du Sida.
Haine de classe manifeste au moment des dernières inondations de Bangkok lorsque Yingluck faisait construire des digues pour protéger le quartier d'affaires alors que les bidonvilles étaient sous les eaux.
Voilà ce qu'est vraiment le clan Thaksin, autrement dit la politique néo-coloniale des USA en Thailande.
Mais le plus choquant dans cet article du Monde c'est l'agitation de menaces séparatistes qui n'existent pas actuellement en Thaïlande.
D'abord l'opposition jaunes-rouges ne peut pas se résumer à celle entre les bangkokers et l'Isan. Il y a beaucoup d'autres régions que ces deux là en Thailande.
Mais même si les Isan-thaï sont soucieux du respect de leur culture et de leur langue, ils n'ont jamais souhaité faire sécession. Ils se sentent Isan ET thaïs.
Que peut signifier l'agitation de cette menace imaginaire ? Que les USA (puisque le Monde est un organe de propagande US en langue française) veulent faire de l'Isan et du Nord-Thailande leur "Crimée à eux" en cas de victoire de l'opposition ?
Si l'on réalise ces dernières semaines à quel point l'Ukraine fait partie de "l'espace vital" de la Russie, il en est exactement de même de la Thaïlande pour les USA qui a installé depuis longtemps dans ce pays un régime complètement inféodé à Wall Street, encore plus même que ne l'est le caniche japonais.
Il y a déjà quelques discussions à propos de ce pays dans "Actualités de la crise" qui montrent que je n'ai pas une vision manichéenne du conflit en cours (même si j'ai des préférences assumées pour un camp). Mais un topic dédié me semble finalement préférable.
Je commence par mentionner un article du Monde intitulé "Thaïlande : chez les «chemises rouges»".
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/ar ... _3216.html
C'est amusant que les "chemises rouges" attirent autant l'intérêt des médias et fondations occidentales (comme la National Endowment for Democracy) en ce moment, alors que quand les "chemises jaunes" invitent des délégations étrangères seules la Suisse et la Russie daignent se déplacer...
Si j'avais lu cet article sans rien connaître de la situation sur place, je serais certainement devenu sympathisant de la cause des "rouges", et il est évident que le but du Monde est de propager ce sentiment parmi ses lecteurs.
Tout y est pour apitoyer le lecteur sur ces malheureux "buffles rouges" de l'Isan en butte à la haine d'affreux "promonarchistes invétérés". Tout lecteur républicain et démocrate ne peut que sympathiser face à une telle présentation.
Mieux encore, le lecteur "de gauche" finira par croire que les "rouges" représentent le peuple, et les "jaunes" l'élite (le hasard des couleurs aidant d'ailleurs à cela). Même Michel Collon s'y laisse prendre si j'en crois une remarque tirée de sa dernière vidéo sur l'Ukraine.
Or, il n'y a pas de gauche politique en Thailande, ça n'existe pas. Tous les partis qui s'affrontent en ce moment sont des partis de droite.
Le seul parti vaguement socialiste est lui aussi un parti de droite, antidémocratique (mais pas fasciste ni nazi comme le déclare sans arrêt la presse occidentale) et situé dans le camp des "chemises jaunes".
Il reste par contre une gauche sociale en Thailande, associative et syndicale, or celle-ci est divisée et se répartit parmi les supporters des deux camps.
A lire le Monde on finirait même par trouver des excuses au capitaliste Thaksin et à sa soeur Yingluck, sortes de héros du peuple et champions de la redistribution des richesses....
Je vais expliquer que ceci est un mensonge.
Dans les années 90, Thaksin est, parmi notamment Georges Bush et John Major, l'un des conseillers du groupe Carlyle spécialisé dans les obligations. A partir de ce moment il va assurer ses contacts internationaux qu'une fois en poste il sera toujours un trait d'union entre le fond obligataire US et les entreprises thaï.
Le conflit d'intérêt originel date de cette époque.
Thaksin sera premier Ministre de 2001 à 2006, mais il gouverne toujours la Thailande par l'intermédiaire de sa soeur (1er Ministre interimaire).
En 2001 il privatise toutes les ressources et infrastructures du pays (pétrole, gaz...) au plus grand plaisir de Wall Street.
En 2003 il entraine la Thailande aux cotés des USA dans la guerre contre l'Irak, malgré une forte opposition de la population, et même de l'armée.
A la même date, il autorise la création de centres d'interrogatoire et de torture de la CIA en Thailande au nom de la "lutte contre le terrorisme".
Toujours en 2003, il lance une politique de soit-disant "guerre contre la drogue". Près de 3000 personnes seront abattues sans jugement en pleine rue en seulement 3 mois. Il s'avèrera que la plupart des victimes n'avaient aucun lien avec un quelconque trafic de drogue.
En 2004, Thaksin tente d'imposer un accord de libre-échange avec les USA sans l'accord du Parlement.
Selon Amnesty International, 18 défenseurs des droits de l'homme, journalistes, avocats ont disparu ou été assassinés sous le gouvernement Thaksin.
Depuis le coup de 2006 qui a mis fin à son régime, Thaksin se fait représenter par le biais de l'élite financière US et ses différents lobbys : CFR, PNAC, Carlyle Group, Freedom House, NED, International Crisis Group...
En avril 2010, il fera assassiner un Colonel de l'armée thaï contre lequel il menait depuis l'étranger une campagne de presse via un journal financé par la National Endowment for Democracy.
Et encore, je ne parle même pas des évènements les plus récents sous le règne de sa soeur.
Nombreuses disparitions et meurtres d'opposants.
Terrorisme de l'UDD, financé depuis les USA.
Attentats homophobes par les mêmes contre une manifestation de sensibilisation au problème du Sida.
Haine de classe manifeste au moment des dernières inondations de Bangkok lorsque Yingluck faisait construire des digues pour protéger le quartier d'affaires alors que les bidonvilles étaient sous les eaux.
Voilà ce qu'est vraiment le clan Thaksin, autrement dit la politique néo-coloniale des USA en Thailande.
Mais le plus choquant dans cet article du Monde c'est l'agitation de menaces séparatistes qui n'existent pas actuellement en Thaïlande.
L'« homme à tout faire » du village « rouge » plaisante-t-il d'ailleurs tout à fait quand il lâche, déchaînant des rires dans l'assistance : « Ici, on n'a pas eu accès à l'éducation, on n'a pas fini nos études, tout est trop centralisé à Bangkok. Mais, aujourd'hui, ce sont les gens de l'Isan qui vont faire changer la Thaïlande, et si ça ne leur plaît pas aux manifestants , on est prêts à se séparer du reste du pays. »
D'abord l'opposition jaunes-rouges ne peut pas se résumer à celle entre les bangkokers et l'Isan. Il y a beaucoup d'autres régions que ces deux là en Thailande.
Mais même si les Isan-thaï sont soucieux du respect de leur culture et de leur langue, ils n'ont jamais souhaité faire sécession. Ils se sentent Isan ET thaïs.
Que peut signifier l'agitation de cette menace imaginaire ? Que les USA (puisque le Monde est un organe de propagande US en langue française) veulent faire de l'Isan et du Nord-Thailande leur "Crimée à eux" en cas de victoire de l'opposition ?