Je ne connais pas non plus ce Arnaud Dubus (je n'ai pas lu Libé depuis au moins 15 ans), et je respecte toutes les opinions, y compris celles pro-Thaksin de ce Monsieur.
Par contre je ne supporte pas la désinformation, et Monsieur Dubus en fait énormément dans cet article.
LE coup d’Etat qui a renversé, le 22 mai 2014, le gouvernement dirigé par Yingluck Shinawatra
1ère "erreur" factuelle : Yingluck n'a pas été renversée par un coup d'état, mais destituée par la Justice thaï.
Le gouvernement auto-proclamé qui avait remplacé celui de Yingluck juste avant de se faire renverser par l'armée n'avait aucune légitimité légale ni électorale.
Elu en 2001, Thaksin a tenu ses promesses de campagne
C'est une blague ? Chacun des programmes soit disant "sociaux" mis en place par Thaksin et sa soeur n'ont profité essentiellement qu'à une clique d'oligarques liés à la famille Shinawatra. Le dernier scandale en date, celui des subventions au riz détournées, montre bien ce que valent les promesses du clan Shinawatra...
Aux yeux de ces citadins, en majorité sino-Thaïlandais, les mesures socio-économiques prises par Thaksin envers les ruraux n’étaient qu’une version un peu plus sophistiquée du système d’achats des votes.
Sino-thaïlandais ? Qu'est ce que cette mention d'origines ethniques vient faire dans cette histoire ??? Je connais autant de thaïs d'origine chinoise ayant été dans un camp ou dans l'autre. Thaksin lui-même est d'origine chinoise... Les chinois de Thaïlande sont extrêmement intégrés, donnent des noms thaïs à leurs enfants, n'ont aucune revendication linguistique ou autre, ne sont pas une entité politique en Thaïlande, et vivent aussi bien en ville que dans les campagnes (surtout dans le Nord).
Lors d’un discours devant ses partisans après le coup d’Etat du 22 mai 2014, Suthep Thaugsuban, qui avait dirigé durant sept mois d’importantes manifestations pour réclamer la démission du gouvernement de Yingluck Shinawatra, a expliqué que le chef de l’armée, le général Prayuth Chan-ocha, l’avait consulté de manière régulière durant cette période sur la manière de renverser l’administration.
Et Prayuth a toujours démenti ceci... alors qui croire ? Le Général intègre ou le menteur invétéré ?
D’autres indices tendent à renforcer la thèse selon laquelle l’armée avait préparé longuement à l’avance le putsch
Sauf que beaucoup d'autres indices tendent à renforcer la thèse contraire...
L'impréparation de l'armée était manifeste dans les 3 premiers jours : maintien au début du gouvernement fantoche pro-Thaksin, proclamation sans s'être assurés d'un soutien du Roi obligeant la Junte à se passer des emblèmes royaux (pour des affreux "ultra-monarchistes" ça la fout mal...), hésitations sur une suspension partielle ou totale de la Constitution.
Ce côté "improvisé" d'abord de l'instauration de la Loi martiale, puis du Coup, m'avait déçu à l'époque et je ne m'étais pas privé d'exprimer mes doutes sur une opération paraissant au début mal ficelée, donc mal préparée.
Contrairement à la répression très sévère par les militaires des manifestations des Chemises rouges (i.e. les partisans de Thaksin Shinawatra) en mai 2010, l’armée, sous la direction de Prayuth, s’est montrée plus que réticente à lancer la moindre action contre les manifestants anti-Thaksin de 2014, abandonnant un gouvernement qui se trouvait le dos au mur.
Je ne conteste pas que la répression des manifestations de 2010 avait été ultra-violente. J'y étais et j'ai malheureusement assisté à ça en direct. La répression des manifs de 2013-2014 a malgré tout été très violente aussi, et j'inclus dans les "forces de repression" (puisque c'est à mon avis leur boulot et qu'ils étaient payés pour ça, qu'ils fassent partie de la Police ou pas) ces mystérieux hommes en noir qui ont constamment attaqué au lance-grenades les manifestations de l'opposition, les juges, les tribunaux, l'armée, bref tout obstacle réel ou potentiel au tout puissant clan Thaksin.
Le blocage des bureaux de vote par les manifestants anti-gouvernementaux et la rétention des urnes et des bulletins ont empêché entre quatre et huit millions de personnes de voter sur l’ensemble du territoire.
Encore une fois, je suis obligé de rappeler que même dans les provinces où il n'y a eu aucun blocage de bureau de vote, le boycott de ce simulacre d'élections a été massif. Plus de 50% des thaïs ont boycotté ce scrutin dans un pays où le vote est obligatoire.
Le 22 février 2014 un tribunal civil a interdit au gouvernement « d’utiliser la force pour disperser les manifestants », car « ceux-ci ne font qu’utiliser leur droit de se rassembler pacifiquement ».
De mémoire on en était déjà à cette date à une vingtaine de morts. La Justice thaï a fait son boulot, et j'approuve ce qui a été fait. Les Cours de justice ont tenté d'éviter les violences alors que le Gouvernement les encourageait.
Monsieur D'Ubu peut insinuer que les juges préparaient ainsi un "coup d'état judiciaire", ce n'est aucunement original puisque c'est la version complotiste de la situation thaï qui a été popularisée dans tous les medias occidentaux à cette époque.
Un autre scrutin est alors planifié pour juillet de la même année, mais la Commission électorale manifeste le même manque de volonté pour l’organiser.
Si la Commission éléctorale a donné une fois de plus un avis négatif, c'est qu'une nouvelle élection si rapprochée alors qu'aucun problème n'était règlé aurait donné absolument le même résultat (=boycott et annulation) que la dernière a propos de laquelle cette Commission avait déjà donné ce même avis (qui n'a malheureusement pas été écouté).
Inutile de voir la volonté de "putschistes" derrière de simples commissaires faisant correctement leur travail.
L’enthousiasme de la commission à poursuivre Yingluck contrastait fortement avec son immobilisme sur d’autres dossiers de corruption concernant l’armée ou le parti Démocrate.
C'est absolument faux. La Commission anti-corruption a maintes fois sanctionné des responsables du Parti Démocrate.
Mais ce Parti n'est plus au pouvoir depuis un moment déjà, c'est la raison pour laquelle les affaires de corruption concernant le Pheu Thaï étaient plus nombreuses depuis quelques temps.
Cette série de décisions allant dans le même sens a tendu à décrédibiliser ces tribunaux, particulièrement la cour constitutionnelle, et ces agences dites « indépendantes », censées exercer la justice en fonction du droit et non d’objectifs politiques.
Ok, on a compris l'argument depuis le temps qu'il est martelé par la presse pro-Thaksin...
Tout ce qui est indépendant du gouvernement de Thaksin ou de l'un ou l'autre membre de sa famille, que cette indépendance soit conditionnée ou pas par la Constitution du moment (Agence nationale anti-corruption, Cour constitutionnelle, Justice, Armée...) ne sont forcément que des vilains putschistes par essence.
Mais a-t-on le droit aussi de se poser la question de "l'indépendance" réelle des gouvernements de la Shinawatra Corp. ?
Il est aussi difficile de comprendre la justification du coup d’Etat. La loi martiale a été déclarée le 20 mai 2014 par l’armée, sans consultation du gouvernement civil, afin de « protéger les vies humaines et les biens des Thaïlandais ».
Il n'y avait déjà plus de gouvernement civil (au sens légal du terme) au moment où la loi martiale a été déclarée.
Deux jours après, le général Prayuth a perpétré le coup d’Etat apparemment parce que le gouvernement ne voulait pas démissionner. Mais peut-on qualifier de négociations des « pourparlers » dont le seul but est de renverser un gouvernement élu ?
Quel gouvernement élu ? La Premier Ministre et une grande partie de son gouvernement avaient déjà été destitués par différentes procédures judiciaires. Il n'y avait plus de gouvernement, sinon un gang de proches et cousins de Thaksin s'autoproclamant "gouvernement en exercice" et élisant eux-mêmes leur nouveau "Premier ministre".
Combien de journaux atlantistes (y compris Libé) ont-ils dénoncé ce
coup d'état civil ? Aucun, malheureusement.
Dès les premiers jours suivant le putsch, la junte dirigée par le général Prayuth s’est affirmée comme un régime dur, ne tolérant aucune contradiction et entendant être obéie aux doigts et à l’œil par l’ensemble des Thaïlandais.
J'ai déjà dit que je ne jugerai Prayuth que sur ses actes.
Le fait est qu'à ma connaissance pas une seule goutte de sang n'a coulé ni durant ni depuis le coup d'état, alors que les violences sous le gouvernement "démocratique" précédent (je ne vais même pas rappeler les innombrables méfaits du frère) étaient malheureusement quotidiennes.
Comment s'étonner dans ces conditions que les thaïlandais préfèrent vivre sous le régime actuel plutôt que sous les régimes "démocratiques" de sinistre mémoire qu'ils ont déjà connu si récemment ?
Et la démocratie n'est ce pas tenir compte de l'opinion et de l'intérêt du peuple justement ? Alors pourquoi vouloir imposer depuis l'étranger aux thaïs un régime "démocratique" dont ils ne veulent pas ?
En 1991, la junte, dirigée par le général Sunthorn Kongsompong, avait rapidement mis en place un gouvernement essentiellement composé de technocrates et dirigé par un diplomate respecté et indépendant d’esprit, Anand Panyarachun. Le gouvernement avait pris des mesures importantes pour maintenir la croissance économique et limité l’impact du coup sur l’image internationale de la Thaïlande.
Beuuurk ! Une apologie du coup de février 91 maintenant...
En effet le coup actuel n'a strictement rien à voir, et si le coup d'état de 91 est la référence ultime de tous ces donneurs de leçons internationaux ça en dit long sur leur cynisme et leur hypocrisie.